ALEXANDRU ADAM, STUDIO MANAGER CHEZ GAMELOFT À BARCELONE « Si vous voulez vraiment faire attention à vos employés, vous ne pouvez pas le faire avec un effectif de plus de 150 ».

« Tous les trois ans, les notions de base de l’industrie changent « , explique Alexandru Adam, Studio Manager chez Gameloft à Barcelone. Le secteur du jeu vidéo est l’un des plus dynamiques et aussi l’un qui propose les meilleures conditions de travail. Trouver des professionnels formés pour travailler dans ce domaine n’est pas difficile. Le défi est d’actualiser en permanence les connaissances et de retenir les talents, en raison de la grande compétitivité entre les entreprises. Le secret d’un faible taux de roulement, comme le souligne Gameloft, est que l’entreprise s’adapte aux besoins de chaque salarié.

L’industrie du jeu vidéo évolue très rapidement. Nous sommes passés des consoles aux jeux vidéo, aux smartphones jusqu’à la réalité virtuelle. Quelles sont les tendances actuelles ?

C’est l’une des questions les plus difficiles à répondre. Tous les investisseurs veulent le savoir ! Il existe deux secteurs d’activité : les jeux vidéo traditionnels pour consoles et ordinateurs, et les jeux mobiles. Il s’agit de deux activités distinctes, qui coexistent mais dont les défis, les tendances et les modèles économiques diffèrent.

Qu’est-ce qui les différencie ?

L’industrie mobile est la plus dynamique et la plus innovante, attirant le plus l’attention des investisseurs et des start-ups. Cela fait moins d’une décennie qu’elle est apparue et suit un modèle de jeux gratuits. Les tendances sont très difficiles à prévoir. Depuis sa création, elle s’est fortement concentrée sur le produit, tandis que les jeux traditionnels sont restés axés sur l’expérience. Cela signifie que l’industrie du jeu mobile s’appuie fortement sur les données, la capacité de prédire l’attrait qu’un jeu générera dans un segment démographique particulier. Ce n’est plus un défi de créer des jeux, mais d’atteindre les utilisateurs dans un immense marché de jeux gratuits ; la composante créative est très importante.

Un jeu vidéo pourrait-il être dépassé lors de sa sortie ?

Nous concevons des jeux pour les appareils qui seront sur le marché dans deux ans, nous connaissons les tendances en matière d’hardware. Cependant, il s’agit d’un risque très élevé, donc la tendance est maintenant à contre-courant : fabriquer un prototype et le lancer dans un seul pays, pour le tester. Cela s’appelle le soft launch et vous permet de collecter des données dans un pays et d’y apporter les modifications nécessaires. Le système classique se meurt lentement. Il est également vrai que les entreprises identifient de plus en plus en amont si un jeu ne fonctionnera pas.

Quel est le rôle de l’innovation chez Gameloft ?

Elle est essentielle. De nos jours, n’importe qui peut réaliser un jeu. L’utilisateur est bombardé d’annonces de jeux qui sont fondamentalement les mêmes. Sur quoi se basera l’utilisateur pour choisir ? L’innovation et la qualité. Tous les jeux sont gratuits, donc l’engagement de l’utilisateur est nul. L’innovation est la clé à tous les niveaux : marketing, stratégie produit, style artistique, design d’interface et de jeu, technologie…

Comment l’entreprise travaille-t-elle sur cet aspect ?

Chaque département est responsable de l’innovation dans son domaine. Dans certains départements, c’est plus évident que dans d’autres, comme le marketing, où si vous n’innovez pas, vos KPIs seront plus faibles. Nous distribuons également des jeux indépendants, de start-ups, et même de sociétés spécialisées. L’année dernière, nous l’avons fait avec une entreprise qui fait des jeux de questions-réponses sur la musique, par exemple.

Il y a beaucoup de concurrence entre les grandes et les petites entreprises. Remettez-vous également en question l’attrait des talents ?

Si vous me l’auriez demandé il y a trois ans, j’aurais dit que oui. Maintenant, je pense que trouver des professionnels n’est pas un défi, surtout à Barcelone, qui est devenue un hub. De nombreux travailleurs viennent du monde entier pour s’installer ici. Le marché du travail s’intéresse à cette industrie, se spécialiser dans ce secteur est un pari sûr. Le défi consiste maintenant à convaincre les talents de rester. La fidélisation est beaucoup plus compliquée. C’est là qu’il y a de la compétitivité. Et l’une des conséquences est que les conditions sont très bonnes.

Le salaire n’est-il pas suffisant pour retenir les talents ?

C’est un point important, mais ce n’est pas suffisant. Il fut un temps où c’était le cas et où le marché était déstabilisé. Les offres et les contre-offres étaient folles : les salaires ont doublé.

La flexibilité est-elle un facteur de plus en plus important pour les employés ?

Nous sommes l’un des plus anciens studios de Barcelone et pour moi, développer des jeux vidéo a toujours été un travail très exigeant, mais aussi très flexible. Vous ne pouvez pas demander aux gens d’être créatifs de 9 heures à 18 heures. Ce que nous essayons de faire, c’est d’adapter les politiques de l’étude à la situation de chaque salarié. Mais cela exige aussi un engagement de la part de l’équipe. Personne ne regardera à quelle heure vous arrivez tant que vous faites votre travail. C’est pour cette raison que je crois fermement aux petites études. Nous sommes environ 140 ici, et si nous souhaitons nous développer, je recommande d’ouvrir un autre studio. Si vous voulez vraiment faire attention à vos employés, vous ne pouvez pas le faire avec un effectif de plus de 150.

Quel profil est actuellement le plus recherché ?

À Barcelone, nous recherchons des stratèges de la monétisation, d’experts en performance marketing -sur la base de données-, d’ingénieurs et de managers de haut niveau qui présentent la rare combinaison du charisme, de l’empathie, de la stratégie et de l’analyse produit à égalité avec une bonne organisation d’équipe. Ce n’est pas facile à trouver.

Quelle est la contribution des jeunes salariés ?

Ils apportent l’enthousiasme. Il est vrai que plus vous avez d’expérience et donc plus vous êtes âgé, plus vos décisions ont de poids. Malgré cela, les écoles ont appris à anticiper les besoins du secteur. Ainsi, les jeunes diplômés peuvent parfois apporter un point de vue nouveau et utile.

Est-il important d’avoir une équipe diversifiée dans une industrie aussi globale que celle des jeux vidéo ?

Je ne pense pas que ce soit important pour cette raison, mais en tant que directeur, c’est une responsabilité de rechercher activement la diversité.

Les femmes disparues dans le monde des jeux vidéo ?

C’est curieux, mais j’ai eu de la chance que mon premier chef dans cette industrie soit une femme. Malheureusement, au fil du temps, j’ai réalisé que c’était effectivement un problème, que nous n’avions pas de femmes directrices. C’est une question d’éducation, la proportion d’hommes et de femmes dans les carrières les plus techniques est très inégale, et nous essayons de renverser la situation en mettant en œuvre des actions à différents niveaux : d’une part, dans le recrutement proactif des femmes (cette dernière année, la présence des femmes dans notre étude a augmenté de 25%, par exemple en recrutant notre premier ingénieur) grâce, d’autre part, à la participation à des évènements spécifiques tels que « Women in Games », campagnes de sensibilisation… ; d’autre part, une fois chez Gameloft, nous essayons d’amener les femmes que nous recrutons à instruire le changement : ce n’est plus une industrie d’hommes.

L’interview complète pourra être lue dans le rapport “#2030: les personnes, les talents & le business dans l’entreprise de demain”.

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